HENDAYE

- — « Où sont l'armée, la douane, la population ?
- — L'armée s'est portée sur la ligne de Saint-Jean-de-Lux, lu douane a suivi son mouvement et la population a fui à votre approche.
- — Où est le capitaine Pellot
- — Il est devant vous.
- — Ce n'est pas possible
- — L'habit ne fait pas le moine.
- — Capitaine, je vous connais par votre réputation. Je vous olTre, au nom de l'Angleterre, une place honorable et lucrative dans sa marine.
- — Je n'ai qu'un Dieu, qu'une patrie et mon honneur que je transmettrai intact à ma descendance. Je puis, sans blesser mon honneur, vous offrir cette maison que votre nation a payée (sous-entendu : avec les prises qu'il avait faites aux Anglais à bord de ses bateaux corsaires); établissez-y un hôpital; je me charge de le défrayer en bois, luminaire et charpie.
Limites d'Urrugne, Hendaye, Biriatou. Noms de quartiers.
S'ils étaient avides d'accroitre leur aire, c'est parce que les Hendayais pressentaient la fortune qui devait leur venir de la force d'attraction de la frontière, de la mer, ainsi que de la seule beauté du site.
Pour garder les Joncaux ils avaient beau jeu de pouvoir se référer à la donation de Louis XIV, d'autant plus que celle-ci leur accordait également l'exclusivité du droit de passage de la Bidassoa en face de l'hôpital Saint-Jacques. Pour le reste, ils arguaient simplement du peu d'intérêt qu'apparemment la municipalité d'Urrugne portait au secteur de leurs environs (chemins mal entretenus, etc.). Ils faisaient non moins valoir la peine qu'éprouvaient les gens du quartier de Subernoa pour se rendre à la mairie d'Urrugne, distante de 7 km, pour l'accomplissement des formalités et démarches auprès de leurs autorités officielles.
D'un autre côté, il est compréhensible qu'Urrugne, conservant la nostalgie d'une souveraineté qui, jusqu'au mu' s., s'étendait de la Nivelle à la Bidassoa, ait cherché à épuiser, jusqu'à leur extrême limite, toutes les ressources, tous les recours possibles auprès de la Justice. Il est même naturel, et bien dans la manière paysanne, qu'après avoir perdu plusieurs procès et appels, la municipalité ait cherché un ultime refuge dans la force d'inertie, tardant, par exemple, au maximum, à accomplir les formalités administratives auxquelles la loi l'assujettissait I
H lui fallut bien, en définitive, subir celle du 19 février 1867, qui consacrait le triomphe de la cause des Hendayais emportant un trophée de 195 hectares. La surface de leur ville était portée à 228 hectares et sa population à 918 habitants (gain de 180 hectares).
Comme nous le verrons plus loin, cette défaite d'Urrugne ne fut pas sans lendemain, car, pour autant, Hendaye demeurait inassouvi!
Reconsidérant la vie de la cité à notre point de départ, 1826, nous ne pouvons qu'admirer ses gestionnaires, leur art de tirer le meilleur parti de leurs maigres ressources du moment et rendre non moins hommage à l'énergie déployée par tous les habitants pour relever ces ruines dont le spectacle émut l'Impératrice encore en 1857, pour remettre en état les Joncaux, redresser les batardeaux, refaire les canaux, etc.
Combien ces ressources étaient faibles qui, outre la location des Joncaux, ne furent longtemps procurées que par l'adjudication (200 f par an) des herbes des glacis du Vieux-Fort ainsi que par la vente, fort rare d'ailleurs, de quelques petites parcelles de terrains vagues, quand une dépense exceptionnelle y contraignait
Tel fut le cas en 1836, lorsque la foudre tomba sur l'église et fendit du haut en bas le clocher, qui, dans sa tour, abritait, au premier étage, la salle de la mairie avec ses archives, servant aussi d'école. Tout dut être évacué et transféré en face, dans la maison lmatz.
HeçDAYt 229
Ce le fut égaiement en 1856 afin de financer l'acquisition d'une maison communale.
Mais, nous l'avons dit, de telles ventes n'étaient consenties que dans des cas extrêmes. Le Conseil municipal s'attachait, au contraire, et avec un louable esprit de prévoyance, à récupérer les moindres parcelles communales, dont certains s'étaient abusivement emparés, à mettre en valeur tous ses biens, et môme à les accroître du côté des dunes par des réclamations incessantes auprès des Domaines ainsi que par un effort continu d'arrachement à Urrugne.
En 1860, la première idée lui vint d'endiguer la Bidassoa: à la
vérité, elle lui fut suggérée par une lettre du Préfet, l'invitant à
s'inspirer de la pensée du Souverain de rendre productif les communaux incultes s, dont le spectacle dut impressionner 1-Empereur au cours de ses séjours à Biarritz et de ses nombreuses excursions dans notre région.
Le Conseil municipal alors délibère
c considérant qu'il existe dans la commune un terrain de plus d'un km de long sur 300 m de large (30 hect.) baigné par les mers et qui serait d'une prodigieuse fertilité s'il était conquis à •l'agri¬culture en endiguant le chenal de la Bidassoa, considérant que ledit terrain avait attiré l'attention de l'Impératrice lors de sa visite 1857 en demandant pourquoi on n'avait pas essayé de le livrer a ragricul Eure,
les dispositions de ladite lettre impériale du 5 février 1860 fournissant les moyens de rendre ce sol productif, à défaut de ree.sources communales...
persuadé de l'immense avantage pécuniaire qu'en retirerait I'Etat et la commune,
estime intéressant de faire étudier sérieusement cette question par MM.. les Ingénieurs et ta sollicitude de l'Administration. s
Ce projet ne tomba pas littéralement à l'eau ! faute d'être ialventionné, il reprit forme bien plus tard, avec ta grande différence rpeil entra dans le cadre de t'urbanisme et non plus de l'agri¬culture.
Deux faits devaient lui imprimer cette nouvelle forme: ce furent, d'abord. la vocation, s'affermissant, de Hendaye station balnéaire. pais la création de la ligne de chemin de fer Paris-lrun avec une lm internationale à Hendaye.
Ce que nous appelons aujourd'hui la plage, son boulevard ainsi dierar zone atteignant une profondeur de 300 m environ, tout cela emelt-unit alors « les dunes s, que l'Etat conseillait de couvrir de lia:talions; de ces dernières il ne reste plus que de-ci de-là quelques getaéls
Ies Hendayais ne s'attardèrent pas dans cette orientation. prélérérent — et l'avenir leur donna combien raison l — miser
sur l'attraction de la mer et se préparer à recevoir les baigneurs, à l'exemple des autres plages de la Côte.
Déjà, en 1847, la faveur des bains de mer incitait le Préfet à ordonner aux municipalités de la Côte de prendre e des mesures pour que, chaque année, il ne soit pas constaté des accidents et souvent des malheurs.
Des enfants, de grandes personnes même se jettent à la mer pour se baigner; enlevés par les vagues, ils périssent faute de secours, victimes de leur imprudence. Il serait à désirer que, dans chacune des localités dont le territoire est baigné par la mer, le maire pût envoyer sur la côte aux heures où l'on se baigne habituellement un ou deux bons nageurs avec mission de veiller sur les baigneurs, soit en Ieur indiquant les dangers qu'ils pourraient courir, soit en leur portant au besoin secours ou tout au moins qu'il y eût le plus souvent sur la côte quelque préposé qui interdira de s'y baigner, s'il n'est d'autre sûreté possible s.
C'est à partir de 1854 que, sur la Côte, grandit l'affluence des baigneurs et des touristes, entraînés par l'exemple que leur offrirent l'Empereur et l'Impératrice.
Bien avant son mariage, alors qu'elle n'avait que 24 ans, Eugénie de Montijo était venue, en 1850, avec toute sa famille, séjourner, l'été, à Biarritz déjà centre d'attraction de la grande société espagnole.
Mariée en 1853, dès l'année suivante elle y revint régulièrement avec Napoléon III, même au cours de cette année, 1856, où elle mit au monde le Prince Impérial, événement que Hendaye célébra fastueusement. A Biarritz, Eugénie se baignait sur la grande plage; souvent, elle aimait venir excursionner par ici, marquant une particulière prédilection pour Béhobie et Hendaye.
Cette vogue de Biarritz devait naturellement exciter l'envie des Hendayais d'autant plus que, plus près encore, Ciboure commençait à s'organiser pour l'accueil des baigneurs. En 1855, cette commune adjugeait e 8 tentes, sa propriété s, destinées à ces derniers (bail à ferme de 5 mois).
A partir de cette époque le Conseil municipal n'eut d'autre objectif que l'équipement d'une station balnéaire ainsi que la récupération de terrains à mettre en valeur dans la baie de Chingoudy. Pour le Hendaye de demain il ne voyait d'autre fortune; il la prévoyait grande et la voulut contre vents et marées 1
Perspicacité et ténacité, souplesse et adresse, autant de qualités dont firent preuve les édiles, au cours de tout un siècle, jusqu'au jour où ils atteignirent leur but : cet ensemble de Hendaye-Plage aujourd'hui tant goûté.
Une première tentation leur vint, en 1861, d'aliéner le terrain de la baie de Chingoudy; elle leur fut offerte par un spéculateur aussitôt repoussé comme tel. A ce dernier motif le Conseil municipal ajouta qu'il lui paraissait inopportun d'examiner une proposition
H EY DAt E 2st
quelconque, car c dans un avenir prochain, une concurrence s'établira évidemment pour l'acquisition de ce terrain et, alors seulement, il pourra y avoir des avantages réels pour la commune s.
Pour cette raison plusieurs demandes d'acquisition de parcelles situées sur les dunes sont refusées de 1882 à 1867.
Une seule exception : en 1862, la vente de 12 ares, à 30 f l'are,
sur les dunes de la côte près la ruine de l'ancienne chapelle Sainte-Anne pour y pâtir une maison et un jardin d'agrément, au profit de Mr Didelin, professeur de dessin à Aire ». Ce maitre en prospective autant qu'en perspective s'inscrit certainement en tète des bâtisseurs des villas en bordure de la plage !
Par contre, en 1864, la Municipalité accepte une proposition, qui lui est faite, d'installer un établissement comportant des cabines de bains; elle refuse toute aliénation, mais consent la location de 9 ares pendant neuf ans, au prix annuel de 5 f l'are.
Cette même année, une grande décision fut prise : celle de construire une mairie ainsi qu'une maison d'école sur la principale place du bourg, à l'emplacement jusque-là occupé par « le simple jeu de rabot s, de convertir ce dernier en jeu de paume et de le doter d'un fronton copié sur celui d'Irun (80 in X 18 m), considéré comme un modèle du genre: son édification est prévue dans l'allée d'Iran¬datz.
Mais, par-dessus tout, comme nous rayons déjà dit. 1884 marque une date capitale dans l'histoire de Hendaye parce qu'elle est celle du prolongement jusqu'à la gare internationale de cette ville de la ligne de chemin de fer Paris-Bayonne. Cet événement eut une répercussion considérable sur les vies économique et politique de la cité.
L'afflux de fonctionnaires (douanes, police, etc.), d'employés de la Ci` de Chemin de Fer du Midi, l'implantation de nouveaux commerçants, qui devait normalement s'ensuivre, accrurent la population à un rythme très rapide, la doublant eu dix ans, ta triplant en vingt ans. Cette invasion ne pouvait qu'altérer profon¬dàoent le caractère du pays. Les Basques furent submergés par cette vague d'étrangers à la région. Aussi grand et amical que fût rattachement que ces derniers marquèrent pour leur nouvelle petite patrie, il était fatal qu'ils dissent, surtout dans les domaines politique et religieux, des réactions différentes de celles qui étaient inspirées par de vieilles traditions. Le fait est particulièrement manifeste au cours des années suivantes.
Dans un registre des archives municipales nous trouvons la réconfortante vue qu'offrait Hendaye à la fin de la période traitée dans ce chapitre :
On voit alors les ruines disparaitre, les maisons s'élever, le clumnrce s'établir et la prospérité naître où naguère végétaient pariétaires (plantes, qui poussent dans les murs) et orties. On pour¬rait dire que la commune renaît de ses cendres comme le Phénix »
DE 1868 A 11196
re 1897 à 1881, la commune ne cessa d'être assaillie par des
hommes de finance aux offres les plus tentantes, aux projets Lu plus mirifiques, tous désireux d'exploiter la plage (bains, jeux et casino) ainsi que la baie de Chingoudy, finalement concédée à la Commune par les Domaines. Ils sont trop pour être mentionnés; un seul mérite de l'être, car il donne la limite, s'il en est, de l'audace d'un spéculateur.
Sachant que le Conseil Municipal refuse toute vente, ce dernier, uarisien au nom germanique (4: te diable du bois » !) n'offre rien moins que la location, pour une période de 99 ans, du terrain nécessaire pour la construction d'un établissement de bains, au prix
c invriable de 2 900 f par an et à la condition qu'il n'ait jamais m enu concurrent » t Inutile de dire qu'une telle demande fut
renvoyée à son auteur... au diable !
Cependant, il n'échappait pas au Conseil que le jour approchait csii il lui faudrait bien prendre une décision définitive.
Les bains de mer, du moins pour les enfants, commençaient à être de plus en plus en faveur. En août et septembre. beaucoup de familles bendayaises se portaient à la plage où elles retrouvaient les Espagnols venus en grand nombre.
Les uns et les autres ne pouvaient gagner le bord de la mer que pur un service de bateaux partant d'Iran ou de Fontarabie ainsi que du port de Hendaye jusqu'au jour (1873) où, le chemin de Reicenia à Ondarraitz ayant été élargi et mis en état, des voitures ElErmilnis purent relier « rapidement et sans danger » la plage é la ville.
Sur la plage les baigneurs disposaient, ici de baraquements, là de quelques cabines, dont la commune avait autorisé la construction ':-ajours par bail à ferme), mais tous n'en usaient pas, au grand ±2m des tenanciers I
Ces derniers se plaignirent, en effet, que e Les Espagnols s'abritent s.-.us une légère tente, que chaque groupe apporte et n'acquittent
eun droit et, en 1873, ils réclamèrent même que soit imposée l':._tigation de passer par tes cabines et qu'il soit défendu de se
baigner « sans un costume complet s. Le Conseil municipal se déroba au premier point, mais sanctionna si favorablement le second qu'il décida aussitôt a la construction de 2 baraques (hommes et femmes), hors desquelles ne pourront se déshabiller ceux qui ne voudront aller se baigner en leur état s, donc tout habillés I
Immédiatement, en arrière de la plage, ce ne sont que pins et qu'ajoncs épineux, dont la coupe est affermée chaque année (pour 60 f en 1878). C'est qu'il n'est pas de petits profits pour une commune si peu fortunée, que le maire, ou un conseiller municipal. doivent avancer l'argent pour le règlement de certaines factures.
Le cas s'en présente en 1873.
Un grand bienfaiteur du pays apparut alors: Antoine d'Abbadie, dont le nom demeure attaché au château qui s'élève sur le promon¬toire d'Aragorry.
Né en 1810 d'un père appartenant à une antique famille souletine, originaire d'Arrast (canton de Mauléon), il se distingua par ses travaux scientifiques en matière d'ethnographie, de linguistique et d'astronomie ainsi que par ses grands voyages, en Ethiopie parti¬culièrement.
Membre de l'Académie des Sciences dès 1867, une double élection te porta en 1892 à la présidence de cette illustre Académie ainsi qu'a celle de la Société de Géographie.
Rêvant d'une retraite en un lieu de beauté, en ce pays basque, qui fut toujours son grand amour, il porta son choix sur Hendaye et fit édifier le château, dont Le style gothique surprend, à première vue, dans le cadre de notre campagne; c'est qu'il en confia la construction à l'architecte Viollet-Le-Duc, célèbre par ses nom¬breuses restaurations de monuments du Moyen-Age, par exemple la Cité de Carcassonne.
Mieux encore, A. d'Abbadie prit une part active à l'administration ainsi qu'à l'équipement de la ville (dons de sources, de chemins, etc.), dont il fut le maire de 1871 à 1675.
Sa générosité s'étendait hien au-delà de sa commune d'adoption, au bénéfice de toutes les institutions vouées au maintien des tradi¬tions basques. Les concours de poésie, les pertsulari, l'enseignement de la langue basque, les groupements folltloriques (danses, jeux) furent de préférence les points d'application de ses largesses, mais par-dessus tout, les jeux de pelote, en particulier le rebut, bénéfi¬cièrent de son encouragement et de ses primes.
Il légua son château à l'institut de France, qui y maintient en service l'observatoire créé par lui-méme pour ses propres études. Dans son premier acte de donation il exprimait la volonté que sa direction en «Il toujours confiée à un prêtre. 11 en est bien ainsi.
Quelques faits, quelques dates, autant de jalons qui vont nous permettre de suivre la progression de Hendaye, de 1870 à 1896.
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En 1870, année de guerre, il n'est question que de la mobilisation de la garde nationale, de l'accueil des blessés et de l'installation d'une ambulance servie par les religieuses.
Et, s'il est une progression. c'est dans une direction bien inatten¬due, celle de la contrebande, dont la forme nouvelle contraint le maire à intervenir auprès des alcades d'Irun et de Fontarabie « pour qu'ils l'aident à y mettre bon ordre ».
« A bord d'embarcations, des individus, qui jusqu'ici passaient à volonté d'une nationalité à l'autre. débitent du tabac, du sucre el surtout une eau-de-vie fabriquée par eux-mêmes, qui empoisonne le corps des pères et même des mères de famille, des jeunes gens et jeunes filles et des enfants attirés par les bas prix » !
La conclusion se veut pathétique : s'il est vrai que la santé et la moralité y perdent, l'Etat et le commerce local ne sont pas moins atteints dans leurs bénéfices
Dès 1871, le Conseil municipal dresse un vrai plan d'urbanisme englobant l'ensemble de la cité et de la plage, « la plus belle du monde ! » L'objectif n'est pas modeste : Hendaye doit surclasser Biarritz et Saint-Jean-de-Luz ! Il est prévu qu'aux cabines en planches, installées sur les dunes, doivent succéder « des établis¬sements attrayants, hôtels, cafés, théâtre, casino, jardins; une voie ferrée à établir à travers la baie et sur laquelle, en la belle saison, circuleront des omnibus, entraînés par la vapeur, entre le vieux port et la plage; des terrains horizontaux propres à la grande culture, au jardinage et à l'industrie aussi bien qu'à la fondation de villas...; l'alignement des rues du village, l'adoucissement des pentes, la création de trottoirs, la plantation de promenades ombreuses, l'établissement d'une distribution d'eau avec fontaines publiques, la substitution à la tour massive et informe de l'église d'un clocher svelte et élégant, entouré de galeries, accessible aux visiteurs ».
Il est remarquable que ce plan a été conçu par des hommes, qui étaient simplement d'esprit pratique, animés de bon sens et parfaite-ment capables d'imaginer la conversion de leur « village s en ville et dans tous ses impératifs.
Ce ne manquera pas d'étonner en ces temps où un projet de cet ordre ne saurait avoir d'existence légale que s'il a été engendré par des spécialistes officiellement institués, puis a subi, avec succès. l'épreuve de multiples commissions ainsi que des barrages dressés sur la voie... hiérarchique qui relie la commune à Paris 1
En 1871, la ville obtient sa poste et cesse d'être tributaire de celle de Béhobie. En 1873, tes vols étant fréquents, les rues sont éclairées par des lanternes et une demi-brigade de gendarmerie est affectée au lieu, mesure d'autant plus utile que de nombreux Espagnols viennent s'y réfugier. à la suite de la guerre carliste, et s'y fixer. Ces deux gendarmes ont aussi à calmer les bateliers, qui se chamail
lent violemment à l'arrivée des touristes et des voyageurs, ne se mettant d'accord que sur des prix abusifs
Pour traverser la Bidassoa, il n'est encore de pont, hors celui propre au chemin de fer; le passage ne se fait que par le bac (150 passages par jour) en face de Priorenia. Des bateaux parti-culiers s'y ajoutent, qui, du port, mènent également à Fontarabie ou à la plage.
1874 marque l'inauguration de l'église Saint-Vincent, dont la reconstruction et la rénovation sont enfin achevées, grâce surtout à la générosité des paroissiens. Ses murs apparaissent embellis par trois magnifiques tapisseries; elles furent, hélas r vendues en 1900 par la Fabrique, d'accord avec la municipalité, pour payer partie de l'agrandissement de l'édifice. Elles sont aujourd'hui en Allemagne, au musée de Bonn.
Aux membres du Conseil municipal fut réservé e le banc spécial qu'ils ont demandé selon l'antique usage s.
En 1881, le moment est décidément venu d'aborder Ies grands travaux du plan d'urbanisme, surtout ceux qui concernent le futur Hendaye-Plage, cité satellite.
Une série de conventions est alors passée (1881-1884) avec une entreprise immobilière, qui s'engage ,à des aménagements considé¬rables sur les dunes et dans la baie de Chingoudy; faute de finances suffisantes, elle dut malheureusement interrompre son activité, mais non sans avoir pu, au préalable, construire un casino
En 1887, la Commune obtint de l'Etat la vente du Vieux-Fort ainsi que de son glacis comprenant 3 hectares; il sera mis à profit pour la construction d'un groupe scolaire ainsi que pour la réalisation de divers travaux prévus dans le plan d'urbanisme.
Après maintes difficultés, les travaux reprennent sur le chemin de Belcenia à Ondarraitz, un pont domine l'anse de Belcenia, qui est comblée; ils sont achevés en 1892, ainsi que le boulevard de la Plage et une digue de 600 m.
Tandis que la ville travaillait si activement à son extension, une mutation s'était faite, relative à sa population, profondément modifiée dans sa structure par l'apport d'éléments extérieurs.
Ces étrangers au pays, dont beaucoup étaient indifférents à sa spiritualité, devaient par leurs votes élimines des principaux postes de commande les Basques dépositaires des traditions. La physio¬nomie politique de la cité s'en trouva fortement altérée et marquée.
Autant il est juste et agréable de reconnaltre que ces nouveaux venus se dévouèrent sans compter à l'accomplissement de la mission que la majorité des électeurs leur avaient confiée, autant il est pénible et regrettable d'avoir à constater le sectarisme dont, parfois, quelques intolérants firent preuve, sans craindre de troubler l'atmosphère politique, paisible, comme il était et il reste de règle au Pays Basque,
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La première mesure empreinte de cet esprit fort fut la laïcisation de l'école communale des filles, la première, qui ait été imposée chez nous. Triste priorité !
En 1865, le curé, le maire et son conseil municipal avaient unani¬mement demandé au Père Cestac, fondateur du Refuge d'Anglet, l'envoi de Servantes de Marie, 11 en vint aussitôt trois, qui prirent en charge l'école des filles.
Tout alla très bien jusqu'au jour où le maire s'acharna à Leur chercher noise et à demander leur départ sous Ies prétextes les plus fallacieux. El prétextait, par exemple, l'insuffisance de leur enseignement, ce à quoi l'inspecteur d'académie répondait que leur école était une des meilleures du département !
Mais il fut une force plus puissante et, en 1880, les Soeurs durent abandonner l'école communale. L'opposition demeura vive, en particulier celle d'Antoine d'Abbadie, qui la manifestera encore huit ans plus tard.
Comme le conseil municipal lui avait rappelé qu'il ne tenait plus son engagement de verser, chaque année, un don de 100 f destiné à l'amortissement des intérêts d'un emprunt, il répondit : « ainsi je proteste contre la laïcisation de l'école; faites-moi un procès s, ce dont on se garda bien l Et l'on fit même très bien, car, sans davantage de rancune, Antoine d'Abbadie ajouta à ses bienfaits le cadeau d'une source dont la commune avait le plus grand besoin; en retour, celle-ci le gratifia du suprême honneur en son pouvoir traduit par la citation : « A bien mérité de la Ville de Hendaye. s
Quant aux familles chrétiennes, très attachées à la liberté de l'enseignement, elles firent les sacrifices nécessaires pour conserver les Soeurs. Dès la rentrée suivante, celles-ci ouvraient une école dans une maison louée et, en 1884, les familles pouvaient mettre à leur disposition une nouvelle construction, qui leur permit d'ouvrir une école maternelle.
Comme déjà dit, l'issue favorable d'un long procès avec Tirrugne, en 1807, le gain d'une notable superficie, n'avaient pas apaisé la soif d'expansion de Hendaye.
Dés cette même année, le conseil municipal « plantait un jalon » pour obtenir davantage, c'est-à-dire le rattachement intégral des quartiers de Subernoa et de Santiago. 11 y avait là, en effet, en particulier aux abords de la gare, une enclave appartenant à Urrugne et qui séparait même Hendaye de ses terres des Joncaux,
Au début sa réclamation se fait très douce :
Non, Hendaye ne demande pas une annexion violente! Elle est comme une mère qui ne cherche pas de nouveaux enfants, mais qui est prête à accueillir ceux qui librement veulent venir à elle »
Et ses arguments ne manquent pas. Le plus fort est celui qui repose sur l'ancienne existence de la paroisse de Subernoa.
en réclamant « ia consécration administrative de ce qui existait
religieusement s, le conseil municipal ne fait rien d'autre que se conformer à la règle la plus antique, les paroisses ayant toujours présidé à l'institution des communes.
Hendaye plaide non moins la topographie, la difficulté éprouvée par leu habitants de ce quartier de Subernoa pour se rendre à la mairie d'Urrugne, suivre les annonces légales, y accomplir les actes d'état civil, etc. Les employés de la gare sont particulièrement victimes de cet éloignement...
D'autres raisons se rapportent à l'avenir.
Tout éloigne d'Urrugne, est-il affirmé, et porte vers Hendaye les habitants de ces quartiers; ils en sont, en particulier, distraits par le nouveau courant commercial créé par la gare. Et le plaidoyer s'achève sur une vue de l'avenir: Hendaye, devenu station balnéaire florissante quand une bonne route aboutira à la plage : au reste, l'industrie y prospère depuis que les Hendayais ont retrouvé la recette de la fameuse eau-de-vie...
Suit l'argument de choc !
« Sa Majesté l'Empereur a donné 10 000 f pour la construction de cette route (celle qui part du château de Mr Antoine d'Abbadie et aboutit à la gare) et il semble vraiement que le Souverain en personne ait désigné du doigt aux habitants de ce quartier qu'ils devaient associer leurs destinées à celles des Hendayais.
Ensuite, le ton de la plaidoirie devient plus aigu; Urrugne est accusé de ne pas veiller à l'entretien du chemin que M. A. d'Abbadie avait fait construire à ses frais, aboutissant au bourg de cette commune. Il n'est cependant d'intransigeance de la part de ces fins renards, qui veulent bien « accepter d'accorder aux habitants d'Urrugne toujours et à perpétuité toutes les facilités nécessaires pour aller chercher des engrais à la mer s. Ils n'avaient évidemment pas pu prévoir la valeur qui est aujourd'hui celle du varech dans l'emploi qu'en fait l'industrie.
Sans se lasser, à plusieurs reprises, au fll des ans, Hendaye réitère sa demande d'annexion, en dépit de la non moins constante obstruc¬tion d'Urrugne, et quand il n'y eut plus d'Empire, c'est la République qu'elle implore en termes aussi émouvants et toujours avec le précieux soutien d'Antoine d'Abbadie.
Finalement, une fois encore, la victoire se porte à ses côtés; le décret du 14 octobre 1896 lui vaut le gain de 496 hectares. Ces der¬niers couvraient les secteurs liés à son expansion ainsi qu'à sa fortune : au bord de la mer, la zone s'étendant de Sainte-Anne à la baie de Haiçabia, y compris donc le château d'Aragorry, propriété d'Abbadie, la plage dans toute sa longueur, au Sud la bande de terre s'étalant de la gare au cimetière de Béhobie, le long de la Bidassoa, sans aucune solution de continuité.
Bref, Hendaye cessait d'être hanté par le spectre d'Urrugne à ses portes, à 200 m de sa place publique et d'avoir à subir son
HENDAYE 235
voisinage au bord de la mer, jusqu'à Sainte-Arme. N'accuse-t-elle pas cette commune, en 1893, d'avoir loué une partie des dunes à un groupe de Hendayais e désireux de faire échec à l'établissement de bains de Hendaye et qui ont construit une baraque avec quelques cabines » ?
La ville trouvait ses limites actuelles, définitives (peut-être ?) et sa population atteignait 2 1110 habitants.
Pour clore cette période voici une anecdote bien révélatrice de l'état d'esprit politique ainsi que de l'esprit tout court du maire, qui administrait la cité en 1896; elle éclaire, non moins, la situation économique du moment.
Conseil Municipal - Délibérations du 4 juillet
Explication du Maire
« Les musiciens (de la « Lyre municipale s) ont demandé à M. le Curé à assister à la Procession, ce qu'il avait accepté. Mai d'abord répondu que chacun devait rester chez soi. Puis, j'ai réfléchi et pensé au premier mot de la devise républicaine « Liberté » et ai autorisé.
Au point de vue politique, j'ai considéré que la République, à Hendaye comme en France, était aujourd'hui incontestée et assez forte pour ouvrir ses portes aux bonnes volontés.
Au point de vue économique, nos intérêts compromis par l'éléva¬tion du change en Espagne et celle des droits, dits protecteurs, exigent que Hendaye tende la main aux étrangers et donc a besoin d'union dans le même but : le développement continu de notre station balnéaire. Car là est la seconde fortune du pays.
L'Assistance Publique de la Ville de Paris vient à nous et nous apporte un grand rayon d'espérance. Un tramway électrique est projeté... Mais tout celà, je le veux par la République et pour la République. Je veux faire apprécier l'Administration républicaine et prouver à nos adversaires et aux communes voisines (allusion évidente à Urrugne, la spectrale!) que les Républicains savent gérer Ies affaires et progresser vivement par la Sagesse et la Liberté.
... Aux musiciens nous ne demandons pas autre chose que de l'harmonie (r), afin de nous rassembler et égayer par les sons agréables de leurs instruments !
Conclusion : Jugez de la portée de mes actes, tout le fond néces¬saire de ma pensée qui peut se résumer en deux mots : tout pour la République et tout pour Hendaye.
A notre tour de résumer : Paris vaut bien une messe et Hendaye une procession I
N'est-ce pas là plus qu'une anecdote? mais le bon exemple d'un maire à la recherche d'une union cimentée par l'intérêt, te plus fort des liants !
DE 1897 A 1941
A
LA fin du dernier siècle la ville a pris corps; ses édiles vont maintenant se consacrer à la doter d'un équipement moderne et à achever les travaux encore à l'état d'ébauche, qui l'agrémen¬teront et l'enrichiront de la parure de Hendaye-Plage.
Successivement, au cours de quarante ans, des aménagements vont être réalisés; leur énumération condamne à un style aussi sec que celui d'un mémoire d'entrepreneur, mais elle ne pouvait être omise, car elle marque des étapes dans la montée de la ville à son rang actuel.
1899 : Construction du jeu de paume sur le glacis du Vieux-Fort, inauguration du Sanatorium de la Ville de Paris.
1902 : Apposition de « plaques bien visibles à deux tournants très dangereux du chemin n° 58 (port-gare), invitant clairement les conducteurs de voitures d'automobiles à ralentir leur allure s. La locomotion, alors dite « artificielle s, commence déjà à gêner la circulation dans la ville !
Le progrès pénètre jusqu'au port où cinq pécheurs envisagent de s'équiper de bateaux à vapeur.
1903 : La Ville crée un réseau de distribution d'eau alimenté par une source acquise à Biriatou; d'autres le seront au cours des années suivantes.
1905 : Réception de l'éclairage public (1 000 bougies + 4 lampes à arc de 10 ampères) assuré par la Société Electra-Irun; il remplace celui que procuraient jusque-là 30 lampes à pétrole.
Un nouvel entrepreneur se substitue à la société immobilière défaillante et reprend les travaux d'aménagement de la plage ainsi que de la baie de Chingoudy; il va assurer l'exploitation du casino ainsi que du grand hôtel d'en face.
1908: Ce dernier est autorisé à ouvrir des jeux (baccara et petits chevaux) au Casino; il obtient également la concession d'un tramway reliant la plage à la ville.
1909: Les promenades sont devenues trop exiguës: il est décidé d'un parc autour du Vieux-Fort.
1010 : Les rues reçoivent un nom.
1913 : La digue de la plage est prolongée dans la direction des Deux-Jumeaux; de nombreuses villas commencent à s'élever sur le bord de mer.
La Ville réitère sa demande de liaisons téléphoniques directes avec Bayonne et Irun.
1915 : Le bâtiment des Douanes est édifié à l'extrémité du pont international. En cours de construction, ce dernier ouvrage, intégra¬lement dû à la Municipalité d'Iran, fut achevé l'année suivante.
1917 : En raison des événements vécus par la France en 1916, nos amis Espagnols en retardèrent l'inauguration jusqu'au 1" février de cette année 1917 et firent généreusement le don à notre pays de la moitié du pont, dont la construction eut normalement dû lui incomber; ils ne nous laissaient que la charge d'entretenir cette partie.
Ainsi, Hendaye cessait d'être tributaire de bateliers ou d'un bac et, dorénavant, communiquait au-delà de la Bidassoa avec Irun accueillant en sa magnifique avenue s de Francia ».
1914-1918 : Dès les premiers jours de septembre 1914, la ville, où tous les partis fraternisent, s'organise pour recevoir et soigner les blessés; des hôpitaux temporaires sont ouverts dans la villa Marie, la villa Perla ainsi que dans le Casino, qu'offrent leurs propriétaires respectifs.
Plus de 50 réfugiés belges sont installés dans des maisons particulières. En 1916, des prisonniers alsaciens sont mis à la disposition des cultivateurs.
1917 : La concession du tramway (ligne Casino-Gare) est trans
férée à une filiale — — de la C" du Midi. Les rails du
tramway de la ligne exploitée par cette filiale, le long de la corniche, de Saint-Jean-de-Luz à Hendaye, sont enlevés et envoyés aux aciéries travaillant pour la Défense Nationale.
1920 : Le Nid Marin héberge 50 enfants.
La Société Electra-Irun commence à être en difficulté. La C" du Bourbonnais prendra sa suite quelques années plus tard.
1921: Inauguration du Monument aux Morts, groupe en bronze, oeuvre de Ducuing. A Irun une souscription est ouverte par nos amis espagnols, qui manifestent largement leur générosité.
1923 : Construction définitive du boulevard de la Plage ainsi que de son mur de défense.
1924 : Edification de l'hôtel des Postes.
1928 : D'accord avec Urrugne, un barrage, un lac artificiel ainsi qu'un poste de filtration sont créés sur un flanc du mont Choldoco¬gagna par une entreprise privée, qui prend en charge l'amenée d'eau potable à Hendaye, Urrugne et Saint-Jean-de-Luz.
liENDAYE 243
1930 : Une fois de plus, l'entreprise concessionnaire de grands travaux, en particulier dans la baie de Chingoudy, est défaillante et acculée à la liquidation.
1936 : La Ville lui rachète le Casino et le Parc des Sports.
Les routes desservant la zone touristique méritent une mention particulière.
Dès 1900, le Conseil Municipal avait demandé aux Ponts et Chaussées la route de corniche, partant de Socoa; elle ne fut mise en service qu'en 1928, encore fallut-il qu'une entreprise privée, celle déjà dite, y contribuât.
En 1905, le Conseil est, d'autre part, consulté sur l'intérêt d'une route « automobile et tarifée » reliant Arcachon à Biarritz; il est donc déjà question d'une autoroute à péage I Son avis favorable n'a guère suffi pour déclancher l'opération et, depuis plus de 60 ans, ce projet somnole dans un dossier, tandis que continuent à en rêver les responsables du tourisme dans le Sud-Ouest I
En 1936, le Conseil Général étudie la création de deux routes touristiques: l'une le long de la corniche de Biarritz à Saint-Jean-de-Luz, l'autre de Hendaye à Biriatou et au col d'Ihardin.
De la première il ne saurait plus évidemment être question. Quant à la seconde, toujours vivement souhaitée, par son inexistence elle prouve qu'une gestation de 30 ans ne suffit pas à l'Adminis¬tration pour mettre au monde un bel enfant !
Les liaisons aériennes ont aussi leur petite histoire. Dès 1926, un groupe de précurseurs avisés envisageait la création d'une ligne Paris-Hendaye basée sur un aérodrome prévu sur le terrain des Joncaux. Ce ne fut qu'une idée spéculative, mais elle fut reprise en 1934 par la Société Air-France-Farman, qui projeta sérieusement une ligne Paris-Biarritz. Des subventions lui furent même versées par dix stations de la Côte, dont Hendaye, cette ligne « devant servir les intérêts du tourisme ».
Effectivement, grâce à la participation des Municipalités ainsi que de la Chambre de Commerce de Bayonne, elle put être mise en service en 1954.
Près de 30 ans ont séparé le réve de la réalité !
Il y en eut bien davantage avant que se réalisent les rêves des curés, qui se succédèrent depuis la reconstruction de l'église en 1874; ils ne cessèrent, en effet, de se trouver devant une église trop petite pour contenir les fidèles en nombre croissant et d'une décoration que ces derniers, eux-mêmes, jugeaient trop pauvre.
Au prix de grands sacrifices consentis par la paroisse et grâce à la ténacité de ses chefs, de 1901 à 1928, d'importants travaux furent menés à bien: l'augmentation de la surface intérieure obtenue par des aménagements ainsi que par la création de chapelles laté¬rales, la décoration du sanctuaire et de la voûte, etc.
En 1954, le chœur, que nous admirons aujourd'hui, fut totalement renouvelé. Un autel sculpté remplaçant celui de 1924, des boiseries, le tabernacle, les vitraux, toutes oeuvres dues au talent d'artistes locaux, constituent un bel ensemble derrière les grilles en fer forgé par un maître-ferronnier de Bayonne. Le rétable, alors mis en place, est particulièrement remarquable. Transféré du Guipuzcoa, grâce à l'autorisation du Ministère des Beaux-Arts de Madrid, ce chef-d'œuvre du xvn• s. est très représentatif de l'art espagnol.
Quant à la fête patronale, celle de saint Vincent, elle n'est plus célébrée, depuis 1861, le 22 janvier selon le calendrier liturgique,
Son écho étant si grand dans la ville qu'elle était devenue la fête locale, il fut alors décidé de la reporter au troisième dimanche de septembre, date plus favorable aux festivités, car a La ville, vide l'hiver, se remplit à ce moment de touristes s.
On n'a pas oublié qu'au xvn• s. le premier patron de l'église fut saint Vincent de Xaintes, fêté au cours de ce dernier mois et que les paroissiens avaient obtenu qu'il fût remplacé par saint Vincent de Huesca, fêté en janvier, parce qu'en septembre les pêcheurs étaient au loin.
Et voilà que 300 ans plus tard ce mois retrouve sa faveur 1 Le bon saint Vmcent de Xaintes a dû, au Paradis, doucement sourire I
Délaissant l'histoire d'une ville, qui se construit, s'agrandit et s'embellit, nous évoquerons, maintenant, celle de la pêche qui, même au cours de la période traitée dans ce chapitre, contribuait de façon appréciable à son activité. En outre, sa situation sur une frontière maritime nous amènera à exposer, en résumé, le rôle que, par ce fait, elle eut à connaître depuis le milieu du dernier siècle.
Nous commencerons par rappeler l'essentiel des Conventions, conclues entre la France et l'Espagne, qui régirent leurs rapports et continuent à régler leurs droits respectifs, ce qui nous conduira jusqu'à la Station Navale chargée de leur application.
En 1856, la Convention signée à Bayonne et confirmée en 1859, précise que :
1° la frontière sera exactement fixée, non plus au milieu de la rivière, mais au milieu du chenal le plus profond;
2° les eaux seront franco-espagnoles;
3° une Commission Internationale des Pyrénées sera instituée ayant pour tâche de régler tous les litiges. La France y sera repré¬sentée par le Commandant de la Station Navale de la Bidassoa;
4° le droit de pêche n'appartient, en toute exclusivité, qu'aux riverains.
En 1886, autre Convention qui, sans modifier le fond de la précédente, apporte quelques précisions; il en fut de même en 1894, 1908, 1924, 1954.
HENDAYE 245
Entre-temps, en 1873, la Marine Nationale reçut l'ordre d'établir à Hendaye même une station navale, annexée à celle de Saint-Jean-de-Luz et chargée de la liaison avec celle de la Marine Espagnole en place â Fontarabie.
Tandis que, de 1873 à 1886, à Saint-Jean-de-Luz veillait
« Le Chamois », aviso de flottille à roues, à Hendaye était basé
« Le Congre », chaloupe à voile, qui •fut renforcé, en 1883, par
« La Fournie s, chaloupe à vapeur.
De 1886 à 1910. la canonnière « Le Javelot » remplace les pré¬cédents avec l'appui de la chaloupe à moteur « Le Nautile », amarrée à Socoa. (Nous retrouverons l'une et l'autre au cours d'un incident plus loin rapporté.)
Le mât du « Javelot » se dresse aujourd'hui sur le terre-plein de la Station; tous les jours, les couleurs y sont hissées. Il y est conservé en souvenir du lieutenant de vaisseau qui, à deux reprises, commanda la Station, Julien Viaud, en littérature Pierre Loti.
Ce dernier y arriva au mois de décembre 1891 alors qu'il venait d'être élu, et non encore reçu, à l'Académie Française, ce qui ne manqua pas de poser aux maltresses de maison, dont il était l'hôte, un terrible problème d'étiquette! A qui donner la première place? A l'académicien elle revenait de droit, mais alors c'était reléguer au second rang les officiers supérieurs, dont Loti n'était qu'un subalterne, ainsi que les autorités officielles, le Préfet lui-même !
II quitta ce commandement au début de l'année 1893 et le recouvra de mai 1896 à fin 1897.
Au cours de cette brève période Pierre Loti fut reconquis par le charme du pays de « Ramnntcho » qu'un instant, suivant son propre aveu, il avait bien cessé de goûter. De Rochefort, sa ville natale, il écrivait, en effet, à un ami au mois de décembre 1895 :
« Autrefois, j'étais un admirateur passionné de ce petit recoin du monde; j'en ai bien rabattu, mais j'aime encore ces montagnes de Guipuscoa, derrière lesquelles j'ai vu, pendant trois ou quatre ans de ma vie, se coucher le soleil. R est donc possible que Pété prochain je revienne par là... »
Il y revint si bien que Hendaye devint sa résidence d'été de prédilection et qu'il y voulut mourir; il y décéda en 1923, en sa villa « Bakaretchea » (Solitude), près du port, et qui est restée demeure de sa famille.
De 1910 à 1914, la Station dispose de deux bâtiments: « Le Gron¬deur s et la chaloupe « Qui Vive », qui, après avoir rallié Brest et Rochefort, reprirent leurs places en 1915 et 1919.
De 1925 à 1949: une série de chasseurs et de vedettes portuaires, qui ne sont plus désignés que par des numéros.
Depuis : une pinasse à moteur, « L'Artha H ».
La Station Navale est, avant tout, le poste de commandement d'un capitaine de frégate, qui partage avec le commandant de la Station de Fontarabie le pouvoir d'arbitrer tous les litiges d'ordre maritime, en vertu des Conventions franco-espagnoles.
En 1899, un sérieux incident mérite d'être retenu, car, dans le long rapport dont il est l'objet (voir archives de la mairie), nous trouverons maintes explications qui mettent en lumière non seule¬ment l'activité des pêcheurs de Hendaye, mais aussi, d'une façon pins générale, l'économie du moment.
A son origine, une pétition des pêcheurs de Saint-Jean-de-Luz et Ciboure, adressée au Ministre de la Marine, vise directement les Espagnols. Hendaye ne s'y méprend pas et démasque le véritable objectif : la concurrence qu'avec son port et sa gare cette ville fait aux plaignants. (Et nous citons presque textuellement.)
Ces derniers plaident deux arguments
1° Défaut de protection en mer contre les pêcheurs espagnols. e e Le Javelot s, ancré prés du pont de la Bidassoa depuis des années, est dans l'impossibilité de prendre la mer. Quant au e Nau¬tile s, il n'est pas aussi radicalement incapable de naviguer, mais il est hors d'état d'exercer en mer une action utile (les mauvaises langues t'ont baptisé e L'Inutile s), car il est de notoriété qu'il ne peut atteindre à la course les embarcations à la rame, qui commettaient journellement et impunément, même sous ses yeux, des contraventions sans la moindre crainte, ni répression.
Les pécheurs espagnols viennent dans nos eaux en force et exercent des violences pour s'emparer du poisson qui devrait nous appartenir.
En face, les espagnols ont un stationnaire, en parfait état, et des auxiliaires, très bons marcheurs, qui sont toujours à leurs postes d'observation pour réprimer nos écarts. Situation désastreuse et humiliante pour notre patriotisme. Remplacez au moins le e Nautile s
2° L'interprétation abusive, en faveur des pécheurs espagnols, du décret du 8 février 1886 sur la réglementation de la pèche dans la Bidassoa.
Ce décret dispose que la pêche du poisson de rivière, seule admise en France, exempte des droits de douane, est seule autorisée d'un point du fleuve à un autre, alors que la douane admet aussi celui de mer, notamment des sardines apportées par des barques espagnoles de n'importe quel point de la Côte.
Nous demandons que le poisson d'eau douce, péché dans la Bidassoa dans les limites tracées par le décret de 1886, soit seul exempté et que le poisson de mer soit soumis aux droits. s
A ce plaidoyer Hendaye répond par une note remise au Ministre de la Marine et au Contre-Amiral, Major Générai, venus dans la région :
HESDA VE 247
P « A la vérité, Hendaye entretient avec Fontarabie les meil-leures relations et il a toujours suffi de l'intervention des comman¬dants des deux Stations Navales pour trancher toutes difficultés de pêche.
Des incidents mineurs ont été grossis et, peut-être, provoqués par des instigateurs de mauvaise foi. Si, vraiment, nos gardes-côte sont insuffisants, le Ministre de la Marine saura y remédier. Hendaye ressentira une joie toute patriotique et nos adversaires seront satisfaits sur ce point
2° Les revendications des luziens sont injustes.
Le traité de 1886 ne reconnaît le droit de pèche qu'aux cinq communes riveraines.
En 1884, l'établissement de la ligne Paris-Madrid donna un essor nouveau à l'industrie de la pêche, d'où affluence de poisson frais à la gare internationale de Hendaye et création d'un commerce notable d'importation de poisson frais, surtout de sardines.
Depuis, ce commerce s'est intensifié, les négociants se sont outillés, un personnel nombreux embauché; Fontarabie s'est adonné presque exclusivement à la pêche à la sardine et l'on pouvait voir, naguère encore, de nombreuses femmes chargées de paniers de sardines aborder au port de Hendaye, en payant les droits, courir pour les expédier par le premier train et augmenter le mouvement ascendant de l'importation.
Nous ne saurions empêcher que les choses se passent ainsi, comme elles se passent d'ailleurs aujourd'hui.
Depuis 1884, avec l'accord des Domaines, des Ministres des Affaires Etrangères, des Travaux Publics et des Finances, Hendaye a affecté aux pécheurs un quai approprié où s'effectue la vente et la mise en panier, la salaison, le paiement des droits de douane, les chargements des sardines pour la gare, où elles sont expédiées, avec celles qui arrivent par le train d'Espagne, dans toutes les directions, le marché de Hendaye étant aujourd'hui connu sur tous les points de France.
Le droit de pêche dans la Bidassoa et la rade du Figuier appar¬tient exclusivement, par la Convention de 1886, aux cinq communes riveraines et le poisson pris dans ces eaux peut entrer en franchise sur l'une ou l'antre rive.
Forts de leurs droits, les pêcheurs riverains, ruinés par la dispa¬rition presque complète du saumon dans la Bidassoa, se sont rabattus aujourd'hui sur la pêche à la sardine autrefois délaissée et employée comme engrais et pour laquelle ils trouvent en France de nombreux débouchés.
Ces sardines, en partie franches de droits, font l'objet d'une injuste jalousie de la part des pêcheurs de Saint-Jean-de-Luz et de Meure, mais c'est là un droit de pêche appartenant exclusivement
aux pêcheurs des communes riveraines, tant françaises qu'espa¬gnoles.
Ce droit ne saurait être violé sans abus pour servir quelque intérêt électoral menacé, car les pêcheurs luziens ou autres viennent eux-mêmes souvent bénéficier des facilités ou des avantages que leur procure le marché de Hendaye. Il se pourrait fort bien que leurs plaintes leur aient été suggérées et formulées par des instigateurs qu'une hostilité systématique pousse contre une commune dont les constantes manifestations républicaines leur font ombrage.
Des esprits aveugles ont résolu de s'opposer à l'essor de Hendaye, à ses louables initiatives pour se développer.
Le Gouvernement de la République saura nous protéger !
Il est évident que les auteurs de cette mise au point ressentent l'inharmonie de leurs opinions politiques avec celles de leurs collègues de Saint-Jean-de-Luz et de Ciboure. Sans doute soupçonnent-ils aussi ceux d'Urrugne d'avoir voulu profiter de l'occasion pour pêcher... en eau trouble la revanche d'un procès perdu ?
Cette imploration confiante à la République reflète bien l'esprit politique de la Municipalité à cette époque. Nous avons déjà noté combien l'immigration avait modifié le climat politique de la cité, combien aussi les élus de la majorité prouvèrent leur dévouement. Nous remarquerons maintenant l'art, dont ces édiles surent user, pour le plus grand bien commun, en alliant très efficacement une sincérité, certaine, une souplesse ainsi qu'une diplomatie toujours bien adaptée aux circonstances 1 Nous en citerons quelques témoignages.
Il est incontestable qu'en manifestant un loyalisme inconditionnel ils réussirent à obtenir le maximum de subventions et de dotations au profit de la cité grandissante (écoles, chemins, église, etc.).
A Napoléon III, le Maire et son Conseil prêtent le serment rituel: « je jure obéissance à la Constitution et fidélité à l'Empereur ».
Et ce n'est pas en vain qu'il en est appelé à son appui pour gagner la cause soutenue contre Urrugne (délimitation).
Grâce à l'Impératrice, la Ville bénéficia de plusieurs participations de l'Etat à des travaux en cours.
Puis, la République vint au moment où l'aide de l'Etat apparais¬sait la plus nécessaire. Vite, une nouvelle majorité se dégagea, qui se distingua par un opportun loyalisme proclamé, en toutes circonstances, avec force et foi.
1888: La presse de l'opposition présente le maire comme étranger au pays. Ce dernier contre-attaque en insinuant que cette campagne est inspirée par Urrugne, qui décidément lui fait voir tout en rouge!
Par la suite, il ne se produit dans le domaine politique aucun événement, grand ou petit, qui ne déclanche de la part du Conseil
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municipal, lorsque, du moins, la majorité « rouge » (style de l'époque) l'emporte, l'envoi de télégrammes au Gouvernement en place ou à ses représentants.
En 1899, lorsque le Président de la République, assistant aux courses d'Auteuil, reçut, sur son haut-de-forme, un coup de canne porté par un royaliste, ce message lui est aussitôt adressé : « Indigné des maneuvres des ennemis de la République... expression d'admiration et de dévouement... »
En 1902. Merci au Ministre de l'Instruction Publique « pour avoir choisi Hendaye pour y prendre quelques jours de repos bien gagné »; naturellement, on ne manqua pas l'occasion de lui faire visiter les écoles et promettre une aide...
Même année. Au retour de Russie du Président de la République, félicitations et « inaltérable attachement à sa personne et à la République ».
- Télégramme de condoléances au Président de la République, qui vient de perdre sa mère.
- Félicitations à M. Fallières lorsqu'il fut élevé « à la pre¬mière magistrature de la République ».
Le 22 juillet, banquet de 200 républicains et adresse à A. Sarraut.
- Félicitations au nouveau gouvernement (Aristide Briand) pour « la rapide formation du Ministère avec un programme de justice et de progrès par la République 2..
- Félicitations à Painlevé, Président du Conseil, lui « témoi¬gnant ainsi qu'à M. Herriot, ancien Président, leur profonde reconnaissance pour les efforts réalisés en vue du triomphe de la Politique du Cartel des Gauches s.
Si nous avons cru intéressant de donner quelque développement à cet. aspect de Hendaye, c'est pour souligner, encore une fois, combien il était différent de celui d'Urrugne ainsi que de tous les villages du Pays Basque, si peu sensibles aux variations politiques
1940
Cette année-là, Hendaye est le théâtre d'un événement qui appartient à la grande histoire : l'entrevue que le général Franco et Hitler eurent en sa gare.
Ici, Hitler, au point culminant de sa force, a buté I L'astucieux gallego, avec une finesse que nous dirions paysanne ou normande, a su lui refuser toute alliance et contrer ses projets; il rendit ainsi à la France et à l'Angleterre un immense service qu'il serait injuste et ingrat d'oublier.
Deux divisions hitlériennes attendaient, dans les Landes, l'ordre de franchir la frontière; elles reçurent celui de s'en retourner.
Les habitants du quartier de la gare n'ont pas oublié le sinistre train, gris et camouflé, aux wagons plats, en tête et en queue, hérissés de canons anti-aériens, qu'ils purent entr'apercevoir en bravant la défense qui leur était faite de se mettre à la fenêtre. Ils se souviennent encore des coups de fusils tirés par les S.S. sur les fenêtres entrouvertes.
Pour notre part, nous avons eu la bonne fortune de rencontrer une personnalité française, ayant pu disposer de documents officiels, et qui a bien voulu rédiger la note ci-dessous publiée, avec son accord, in extenso.
Bien que son auteur ait eu la délicatesse de ne vouloir inclure sa signature dans un livre ne lui devant rien d'autre, nous sommes en mesure d'affirmer la qualité de l'information, sa source d'une valeur historique incontestable.
HITLER ET FRANCO A HENDAYE
L'entrevue Hitler-Franco en gare de Hendaye eut lieu le mercredi 23 octobre 1940, entre les deux rencontres à Montoire, près de Tours, de Hitler avec les dirigeants français (le 22 avec Laval seul, le 24 avec le Maréchal Pétain accompagné de Laval). Hitler voyageait à bord de son trahi blindé personnel. Il avait avec lui son ministre des Affaires Etrangères Ribbentrop.
Hitler venait demander à Franco son entrée en guerre aux côtés de l'Allemagne et de l'Italie dans le cadre d'une opération dite c Plan Félix s, mise au point durant l'été notamment par l'amiral Raeder, commandant en chef de la flotte allemande. L'opération était des¬tinée à fermer la Méditerranée aux Anglais par la prise de Gibraltar, et à prévenir une intervention anglaise et gaulliste en Afrique du Nord. Les Allemands se proposaient également d'établir des bases aux Canaries. L'affaire aurait lieu dans les premiers jours de 1941. Les forces motorisées allemandes traverseraient l'Espagne de Irun à la Linea.
L'attaque sur Gibraltar, prévue pour le 10 janvier, serait conduite par 2 000 avions de la Luftwaffe, des mortiers géants et les troupes d'élite, qui avaient déjà enlevé les forts de Liège. La vieille forteresse anglaise, mal armée, dépourvue d'une D.C.A. suffisante, ne pourrait pas opposer de résistance sérieuse à de tels moyens. Gibraltar, reconquise, serait aussitôt restituée à l'Espagne. En même temps, un corps blindé allemand occuperait le Portugal pour y prévenir un débarquement anglais.
Des contacts avaient déjà eu lieu à ce sujet .et Berlin, au mois de septembre, entre Hitler, Ribbentrop et Serrano Sufier, beau-frère de Franco, chef de la Phalange, considéré comme le n' 2 du régime espagnol et l'homme le plus favorable à l'Axe. Serrano Suiler admirait Hitler, mais avait été choqué, durant son séjour à Berlin,
HatilikYE 251
par la brutalité de Ribbentrop, qui menaçait l'Espagne d'une occupation militaire si elle contrecarrait les plans du Führer.
La position de Franco était très délicate. Il ne pouvait pas oublier l'aide que lui avait apporté l'Allemagne durant la guerre civile avec les avions et les spécialistes de la Légion Condor. Une partie de l'opinion publique espagnole était très favorable à une entrée en guerre aux côtés de l'Allemagne victorieuse. D'autre part, le pays était ruiné par trois années de batailles, presque au bord de la famine. Il dépendait pour son ravitaillement en vivres, en pétrole, de l'Angleterre et des Etats-Unis. •Londres et Washington, malgré leur hostilité idéologique pour le régime franquiste, entretenaient avec lui des rapports corrects, afin de sauver Gibraltar. L'Angleterre exerçait, en outre, une forte pression sur les milieux financiers les plus influents de Madrid.
Le 23 octobre, le train de Hitler arriva, le premier, à Hendaye. Celui de Franco avait une heure de retard, que Hitler et Ribbentrop passèrent en déambulant et causant sur le quai. Franco arriva à trois heures de l'après-midi. Il était en petite tenue de général, avec le calot à glands. Les entretiens commencèrent dans le wagon de Hitler. On les connaît surtout par le récit du traducteur habituel de Hitler, Paul Schmidt, qui assista à toute l'entrevue.
La tactique de Franco était de ne rien refuser, mais de poser à son intervention des conditions, qui feraient reculer le Führer. n laissa Hitler monologuer longuement, sans montrer la moindre réaction. Quand Hitler eut développé son plan, fixé la date du 10 janvier pour l'attaque de Gibraltar, Franco parla à son tour, c d'une voix calme, douce, monotone et chantante, rappelant celle des muezzins s, dit Paul Schmidt.
Il protesta de l'amitié et de la reconnaissance de l'Espagne pour le III' Reich et revendiqua pour elle l'honneur de reconquérir Gibraltar. Mais il fallait qu'elle s'y préparât. Or, son armée était réduite à 300 000 hommes sans aucun équipement moderne. Son entrée en guerre aux côtés de l'Axe posait, en outre, un très grave problème de ravitaillement. Il fallait que l'Allemagne pût lui fournir 100 000 tonnes de céréales, du carburant. Franco réclamait, en outre, la majeure partie du Maroc français, le littoral algérien jus¬qu'à Oran et un agrandissement des colonies espagnoles en Afrique noire.
Les revendications espagnoles sur l'Afrique du Nord étaient particulièrement inadmissibles pour Hitler, qui, à ce moment-là, ne voulait pas e désespérer la France » et la faire basculer dans le clan gaulliste au Maroc et en Algérie, où le prestige de Pétain était considérable.
Le ton monocorde, la placidité de Franco portaient sur les nerfs du Führer. Il faillit à un moment donné rompre l'entretien. puis se ravisa. Un dîner eut lieu dans son wagon-restaurant, à la suite
duquel le dialogue des deux dictateurs se poursuivit encore pendant plus de deux heures.
Seul résultat de cet entretien de neuf heures, si désagréable à
qu'il aurait préféré, disait-il, se faire arracher trois ou quatre dents plutôt que de recommencer: les deux parties conve¬naient d'établir un vague traité, portant sur le principe de l'inter¬vention espagnole, mais sans en fixer la date, et en la subordonnant à des livraisons d'armes et de ravitaillement, dont le détail n'était pas abordé. Les clauses restaient non moins imprécises pour ce qui concernait la possibilité de satisfaire les visées territoriales de l'Espagne en Afrique. Ribbentrop et Serrano Suiffer, devenu depuis peu ministre des Affaires Etrangères d'Espagne, étaient chargés de la rédaction de ce pacte, qui n'alla pas sans heurts violents entre eux.
A Hendaye, l'antipathie avait été réciproque entre les deux dictateurs. Pour Franco, Hitler était un comédien, qui montrait trop ses procédés. Pour Hitler, Franco était un homme courageux, mais sans envergure politique...
Comme Franco n'avait opposé aucun refus, les Allemands ne tardèrent pas à relancer l'affaire. En novembre, Hitler invita Serrano Sufier .à Berchtesgaden, pour n'obtenir de lui que des réponses aimablement dilatoires. Au cours de cette entrevue, Hitler parla, sans doute également, de son intention de faire passer au Maroc Espagnol an moins deux divisions allemandes. Il exposait, quelques jours plus tard, à Mussolini la nécessité de cette mesure.
En décembre, l'amiral Canaris, chef de l'Abwehr, rendit visite à Franco à Madrid, lui annonça l'intention de Hitler d'attaquer Gibraltar le ID janvier, après que l'Espagne ait laissé libre passage à ses troupes. Franco, nullement intimidé, répondit qu'il était impossible pour l'Espagne d'entrer en guerre à cette date, et que sa cobelligérante dépendrait du ravitaillement et des armes que l'Axe pourrait lui fournir.
Hitler demanda alors à Mussolini de servir• d'intermédiaire pour fléchir Franco. L'entrevue du Duce et du Caudillo eut lieu le I" février à l3ordighera. Elle flat très cordiale. Mais Franco maintint sa thèse : l'Espagne ne pouvait entrer en guerre qu'après que l'Allemagne lui eût apporté une aide effective. Il se plaignait, en outre, que l'Allemagne eût choisi de collaborer avec la France plutôt que de satisfaire les revendications espagnoles sur l'Afrique du Nord. (Ce qui ne l'empêcha pas, en revenant d'Italie, d'avoir une rencontre cordiale avec Pétain à Montpellier et d'envisager avec lui la meilleure méthode pour résister aux Allemands sans les irriter.)
Rentré à Madrid, il dénonça le protocole de Hendaye, qu'il consi¬dérait comme dépassé par les événements. Il contestait, en outre, comme il l'avait déjà fait, que la prise de Gibraltar pût avoir une valeur décisive pour la conduite de la guerre si le canal de Suez restait ouvert aux Anglais.
ItENDAYE 253
Peu de temps après, la malencontreuse équipée italienne contre la Grèce, puis la préparation de l'attaque contre la Russie reléguèrent dans les cartons le projet contre Gibraltar.
L'entrée, au mois de juin 1941, des troupes allemandes en Russie, saluée avec enthousiasme en Espagne, donna à Franco l'occasion de faire un geste d'amitié à l'égard de l'Allemagne et de solidarité antibolchévique en décidant la création de la division Azul, formée de volontaires espagnols, commandée par un général espagnol, et qui combattit sur le front de l'Est aux côtés de la Wehrmacht. Mais ce geste ne l'engageait pas diplomatiquement, bien qu'il irritât beaucoup les Anglais.
Il est certain que Franco agit avec une grande habileté en faisant traîner l'affaire de Gibraltar, en gagnant ainsi les mois qui évitèrent à l'Espagne d'entrer dans une guerre dont l'issue devenait douteuse. Certain aussi qu'en empêchant la prise de Gibraltar il rendit aux Alliés un service considérable, dont le remercia d'ailleurs Churchill dans un discours aux Communes en 1946. Selon Goering, sans Gibraltar, l'Angleterre n'aurait pu défendre Suez. Et les Anglais, qui avaient eu très peur pour leur forteresse durant l'automne 1940, convenaient que leur éviction de la Méditerranée pourrait prolonger la guerre de dix ans.
L'enjeu de Gibraltar était d'une telle importance que l'on s'étonne que les Allemands, voyant les réticences de Franco, ne l'aient pas placé devant un ultimatum, qu'il n'aurait pu repousser, puisqu'une résistance militaire de l'Espagne à la Wehrmacht était moralement et matériellement inconcevable.
UNE VUE SUR L'ECONOM!E PRESENTE
nE 1940 ces derniers temps les événements sont trop proches, 15 ils n'offrent assez de recul pour pouvoir être contemplés avec l'objectivité voulue; c'est pourquoi nous mettons un point final à cette histoire.
Cependant, afin d'offrir un repère à celui qui, demain, la reprendra, il nous a paru intéressant de prendre un cliché de l'économie de la ville en cette année 1966.
Son activité doit assurer la subsistance d'une population, dont quelques recensements démontreront la progression et l'importance actuelle :
1861 422 habitants
1906 3 334 e
1931 6 008 » (dont 757 comptés à part :
sana, aéra.)
1962 7 936 e n 749
Des calculs et des statistiques, d'une lecture fastidieuse, que nous épargnerons donc, permettent d'estimer que, depuis 1900, l'augmen¬tation de la population est moins due à •l'excédent des naissances, quoique réel, qu'à celui de l'immigration de 3 500 habitants environ.
Ces derniers sont, d'une part, de nombreux retraités, dant beaucoup anciens fonctionnaires (instituteurs, douanes, employés de la S.N.C.F.) et, d'autre part, des basques-espagnols. II est remarquable de constater que, comme leurs compatriotes qui se sont fixés à Urrugne (voir chap. « Urrugne et ses voisins »), ils ont été rapidement assimilés. Hendaye Leur doit une transfusion de sang basque, qui a revigoré son caractère d'origine.
Au profit de cette population il est essentiellement trois branches d'activité : l'industrie, le tourisme (y compris l'hôtellerie) et le commerce.
Les usines les plus représentatives de l'industrie, du moins par l'importance de leur personnel, sont :
-- ta Manufacture d'Armes des Pyrénées Françaises, la doyenne
de celles qui sont actuellement en place, a été créée en 1923; elle occupe 110 techniciens et ouvriers spécialisés;
— la Société SO.BI.GF.1., son usine date de 1965; elle est unique dans les pays du Marché Commun pour la fabrication de l'agar-agar extrait des algues marines rouges. A son personnel permanent (95 ouvriers, travail continu, nuit et jour) s'ajoutent les saisonniers (40 à 70 de septembre à janvier) affectés au ramassage des algues;
— la •Conserverie d'anchois e Papa Falcone s, repliée d'Algérie à Port-Vendres et ici, sur les Jon ceux, en 1963. Personnel permanent d'environ 30, en majorité des ouvrières, et en saison (avril-mai) de 200 environ. Elle absorbe la production de trois bateaux (30 tx) du port et trouve le complément de son approvisionnement à Saint¬Jean-de-Lus.
Le tourisme s'épanche dans trois courants : le premier s'écoule dans les hôtels et surtout dans de très nombreux appartements meublés; le second se déverse dans les camps d'été; le troisième, d'allure torrentielle, ne fait que traverser la ville dans la direction de l'Espagne el vice-versa, par le pont de Santiago, qui fut ouvert à la circulation le 25 juillet 19136, le jour de la fête de saint Jacques en souvenir d'un très Lointain passé (voir c Urrugne s, chap. e Les pèlerins de Saint-Jacques-de-Compostelle t.).
L'industrie hôtelière, proprement dite, dispose de 3 hôtels à trois étoiles, 8 à deux, 30 à une ou sans étoile, offrant 1 000 chambres au total.
Il a bien disparu le temps où la saison, privilège des plus fortunés, durait, avant 1914, d'avril à octobrel Grâce aux Espagnols jamais elle ne fut, pour les hôtels, plus belle qu'en 1925. L'extension des loisirs à toutes les classes de la société ainsi que leur concentration sur quelques semaines, qui sature la capacité d'accueil sous un toit, sont, parmi bien d'autres, deux motifs de la faveur des séjours sous la tente. En 1965, ils furent environ 411 000 vacanciers campant dans la périphérie de la ville.
La qualité du climat a, en outre, suscité la création d'établis¬sements de cure, dont les plus importants sont
— l'Etablissement Hélio-Marin de la Ville de Paris, avec 650 lits et 300 cadres et employés;
— le Nid Marin, avec 170 lits et 60 cadres et employés. La majorité de tout ce personnel est recruté sur place et dans les environs.
Le mouvement, que représentent ces diverses formes d'accueil, traduit en nuitées dans !es registres de la police, fut en 1964 :
hôtels... 120 000 nuitées (12 mois par an)
meublés. . . 179 000 s (environ 3 mois par an)
campeurs. . . . 270 000 s (id.)
569.000
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Quant aux passages par route, prenant pour exemple août 1965, ils furent à l'entrée en Espagne par le pont de Hendaye de 258 960 voyageurs et par celui de Béhobie de 415 268. A la sortie il en fut sensiblement autant.
Si nous opposons les chiffres de ces deux points de passage, c'est parce que, plus tard, ils permettront de mesurer la force d'attraction ou, au contraire, de dérivation du nouveau pont Saint-Jacques¬Santiago.
Voir les statistiques que nous mentionnons à. ce sujet dans le chapitres Béhobie e et qui concernent 1es deux années 1964 et 1965 pour ce point de passage ainsi que pour celui de Hendaye.
Ils comprennent les allées et venues des Espagnols (environ 90 000 en 1965) qui traversent quotidiennement la frontière et se divisent en deux courants :
ceux, qui choisissent le pont de Hendaye, viennent, en général, fréquenter Ies magasins de la ville pour y effectuer des achats de
toutes sortes; ar l'article de Paris est toujours très attractif.
Ils contribuent grandement à l'activité du commerce local;
ceux, qui passent par Béhobie, ont le même objectif, mais préfèrent opérer sur Ies places de Saint-Jean-de-Luz et de Bayonne. Biarritz leur étant, en outre, une agréable distraction.
Le transit, par route et par fer, constitue le principal point d'appui du commerce et, par sa permanence, le plus important facteur de l'économie locale. 300 familles en vivent, 30 transitaires l'assurent.
De 1936 à 1951, il entra en sommeil; Hendaye et Béhobie ressen¬tirent durement tout ce temps. La frontière fut, en effet, fermée de 1936 à 1946, puis ouverte en 1946 jusqu'à mi-1948, et refermée jusqu'à lin 1949, mais, en fait, il fallut attendre le début de 1951 pour enregistrer une vraie reprise de l'activité du commerce avec l'Espagne.
Actuellement, ce transit se présente comme suit : Importation
— toute l'année, 70 000 tonnes de diverses marchandises (ma¬chines, légumes secs, conserves) ;
— de novembre à fin mai, 1511000 tonnes (agrumes, fruits, légumes frais, etc.). Exportation :
— environ 180 000 tonnes (produits chimiques, manufacturés, grands ensembles, machines-outiIs, mais, orge, lait), soit, au total, 400 000 tonnes environ, dont 12 % environ transitent par la route, et passent par la Gare Internationale Routière (orga¬nisme privé), ouverte en 1961.
Ces chiffres ne cessent de progresser depuis 1952, à un rythme qui fut en moyenne de 15 à 25 % au cours de ces dernières années;
ils traduisent bien la prospérité croissante de notre commerce avec l'Espagne, dont ne souffrent que les automobilistes maugréant derrière tes camions T.I.R. de plus en plus encombrants et nombreux sur notre vieille R.N. 10 !
Il est, hélas! deux points noirs à l'horizon des transitaires :
1° L'application d'une récente loi, qui ouvre 130 postes de douane à l'intérieur du pays, s'ajoutant à ceux de la région parisienne. Le plus grave est qu'elle oblige les importateurs et les exportateurs à procéder aux formalités douanières aux points d'arrivée ou de départ des marchandises.
Son application rigoureuse porterait un coup très dur aux tran¬sitaires de Hendaye, mais il est toujours des accommodements avec le Ciel et des dérogations sont prévues par l'État-Providence 1 Il est à souhaiter qu'elles soient largement dispensées afin de respecter et les usages commerciaux et aussi la liberté de chacun inscrite dans la Constitution !
2° La perspective de l'admission, plus ou moins tôt, fatale, de l'Espagne au sein du Marché Commun, entrainant l'abaissement de la frontière douanière.
Ce jour-là, autant qu'il puisse être prévu, leur reconversion, au moins partielle, s'imposera et n'aura d'autre voie que celle offerte par l'industrie (la zone des Joncaux comporte encore 9 hectares disponibles).
Outre le trafic par route, les transitaires ont à assurer les formalités de passage en gare des marchandises qui traversent la France (environ 800 000 tonnes) et gni, par suite de la différence d'écartement des rails en France et en Espagne, doivent être trans¬bordées.
Cette opération absorbe une main-d'oeuvre de 190 hommes environ au cours de la période des agrumes et de 80 en temps creux; elle est recrutée sur place ainsi qu'à Urrugne et à Biriatou, le complément éventuel étant trouvé à Iran.
Tous les chiffres, qui précédent, sont autant de jalons sur la voie ascendante de l'économie de la cité, dans ses secteurs industriel et commercial. Encore quelques autres et nous serons assurés qu'ils se reflètent dans l'économie domestique, c'est-à-dire jusque dans les foyers.
La consommation de l'électricité y a crû de 76 %, en cinq ans, de 1960 à 1965, alors que le nombre des abonnements, passé de 2 671 à 4 250, ne s'est élevé que de 60 %, ce qui est déjà remar¬quable. L'écart, qui sépare ces deux pourcentages, correspond à un plus grand confort. Que ce dernier ait pu être amélioré de 16 .% en ce laps de temps est un excellent signe de santé de l'économie des familles.
La consommation domestique du gaz a suivi une progression du même ordre, bien que son emploi ne s'applique pas aux appareils ménagers; elle a atteint 72 % avec 2 106 abonnés en 1965.
LIENUA'S'E. 259
A en croire un dicton du dernier siècle, Hendaye se distinguait
par de grandes manchettes s (Mancheta bandi Hendayako).
Ce temps des lustrines et des faux-cols est bien passé : Hendaye aujourd'hui travaille en ses usines, en ses nombreux ateliers d'artisans, sur ses chantiers.
Hendaye continue à bâtir (210 maisons en 1887; 1 534 en 1962; 404 permis de construire délivrés en 1965), à bâtir son avenir avec une confiance égale à celle de ses anciens.
200 TUUIS CCSTS ANS D.ItISTOIRE AL, PAYS UASQUP.
HENDAYE
Maires Curés
Paroisse Saint-Vincent,
1815 Etienne Petiot. créée en 1647
1826 Etienne-Joseph Durruty.
1835 J.-B. Barrieu. 1702 de Hirigoyen.
1842 Etienne-Joseph Durruty. 1756 Harosteguy.
1847 Martin Hiribarren. 1768-1792 Dominique Galbarret.
1849 Jean-Henri Lalanne.
1850 J.-B. Ansoborlo. 1802 Dominique Galbarret.
1852 Claude Deliot. 1803 Maritoury.
1853 Henri Lalanne. 1803-1812 Dominique Galbarret.
1855 Joseph Lissardy. 1812-1848 Dop.
1860 Jacques Darrecombehere. 1848-1867 Pierre Leine.
1864 Martin Hiribarren. 1867-1884 A. Durruty.
1868 .1.-B. Dantin. 1884-1886 P. Saint-Martin.
1871 Antoine d'Ahbadie. 1886-1892 P. Héguy.
1875 J.-B. Dantin. 1892-1895 Larronde.
1876 J.-B. Ansoborlo. 1895-1905 Sagardoy.
1888 Auguste Vic. 1905-1909 D. Bellevuc.
1912 Ferdinand Camino. 1909-1912 J. Mirande.
1919 Jean Choubac. 1912-1941 A. Frapart
1925 Léon Lannepouquet. 1941-1948 Emile Garat.
1944 André Hatchondo. 1948-1952 Philippe Aranart.
1947 Philippe Labourdette. 1952 Joseph Labet-Juzan.
1950 Auguste Etchenausia. (`) Mobilisé de 1914 à 1918;
1953 Laurent Pardo, intérim assuré par J.-B. Bidondo,
1965 J.-B. Errecart. o.s.b.
Paroisse Sainte-Anne, créée en 1938
1936 Simon. chapelain. 1938-1944 Simon, curé. 1945-1966 Joseph Mourguiart. 1966 Pierre Aguirre.
HENDAYE 261
SAINT VINCENT
Patron de la première église paroissiale
Ce saint, auquel les Hendaiers se sont consacrés au xvii' s., a sa place dans leur histoire; il doit donc trouver ici la sienne.
Cette dernière se situe sous le règne de Dioclétien, cet empereur romain qui ouvrit, en l'an 303, ce temps de persécution que ['histoire a retenu comme s l'ère des martyrs c.. Il décréta l'extermination des chrétiens et, en Espagne, en confia l'exécution au gouverneur Dacien.
En 304, saint Vincent était diacre à Saragosse auprès de son évêque, saint Valère. Ensemble, ils furent conduits à Valence et jetés en prison.
Saint Vincent demanda alors qu'en qualité de plus jeune il fût seul interrogé, sachant bien que la proclamation de sa foi lui vaudrait les plus grandes tortures. Il subit, en effet, celles du chevalet, de peignes de fer, du feu, du sel versé dans ses plaies et, le corps brisé, d'être étendu sur des pots cassés.
A ce moment, mi Ange lui apparut, qui le réanima, le consola et lui enleva toute douleur.
Témoin du miracle, Dacien le fit transporter sur un lit, où, après s'être un peu reposé. il rendit l'àrne.
Son corps fut d'abord exposé dans un champ pour y être dévoré par des bêtes et des oiseaux de proie. Aucun ne s'en étant miraculeu¬sement approché, il fut, ensuite, alourdi par une énorme pierre et jeté à la mer. Les hommes de Dacien s'efforcèrent vainement de le submerger; il se rapprocha du rivage où des chrétiens le recueil¬lirent et l'ensevelirent.
Ce dernier miracle explique que saint Vincent ait été pris pour patron par les marins (il l'est toujours au Portugal) et il est vraisemblable que ce sont ceux de Hendaye, comme du reste ceux de Ciboure, qui l'ont choisi lorsqu'il convint de remplacer saint Vincent-de-Xaintes, premier patron de leur église.
De leur côté, les vignerons l'honorent d'une dévotion particulière, par exemple en Champagne, en Bourgogne et, plus près de nous, à Irouréguy, mais ce n'est point pour une raison de haute spiritualité; elle est même très terre-à-terre ! Se rapportant surtout à la date de sa fête, le 22 janvier, elle est toute dans leur dicton :
Saint Vincent clair et beau Met du vin au tonneau.
Au cours des siècles c'est surtout la proclamation de sa foi qui alimenta la dévotion des fidèles; ceux-ci lui vouèrent un très grand cuite, y associant celui de saint Laurent, qui subit également le supplice du feu. L'un et l'autre ont une église à Rome.
262 TROIS CSSTS ANS D'HISTOIRE AU PAYS MASQUE
Dans notre diocèse saint Laurent est le patron de 21 de nos églises paroissiales et saint Vincent de 23, soit 5 au Pays Basque et 18 au Béarn, qui sont, pour la plupart, situées aux environs d'Oloron et de Nay.